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Journal Le Soir, 27/05/2002
Zinneke Parade
Bruxelles rendue à ses habitants retrouve le plaisir de rire,
de respirer,
de dialoguer
Et le soleil fut...
Samedi après-midi, la deuxième Zinneke parade a, une
nouvelle fois, rameuté les foules tout le long des boulevards
centraux de la capitale. Un réel succès malgré quelques
longueurs.
Midi sur le boulevard du même nom. Partout, les zinnekes
affluent, les groupes se forment, s'échauffent. A quelques
dizaines de mètres de là, la ville semble plus calme que
jamais. Comme en suspension. Une heure plus tard, la parade s'ébranle
et pénètre sur le boulevard Lemonnier devant une foule
encore clairsemée. Petite inquiétude du côté des premiers
participants. Pourtant, comme si la Parade elle-même les générait,
les spectateurs se font de plus en plus nombreux dès que l'on
approche des places principales : Anneessens, Fontainas... La
foule est bien présente. Devant la Bourse, certains attendent
depuis le matin pour être sûr d'avoir une bonne place sur
les gradins.
La foule ne cesse d'affluer par les petites rues
perpendiculaires. Mélangée, métissée, joyeuse, colorée
comme la parade. On rigole, on discute, on échange ses
impressions avec des inconnus qu'habituellement on croise sans
même les regarder. Le ciel reste menaçant ? Peu importe ! Le
soleil est descendu au cœur de la parade pour réchauffer les
cœurs.
Au 3e étage de l'ancienne tour Philips, les invités de la
Ville de Bruxelles découvrent la parade depuis la terrasse. A
droite, l'enfilade des boulevards, noirs de monde, se peint de
taches de couleurs, celles des zinnekes qui progressent
lentement depuis le quartier du Midi. Au Nord, le fantôme de
la tour Rogier plane encore.
Sur la place de Brouckère, La foule est de plus en plus
dense. Les enfants passent les barrières Nadar pour s'asseoir
à même le bitume habituellement confisqué par les autos.
Les policiers, peu nombreux, ont davantage l'air paisible de
l'agent 15 que l'aspect redoutable des Robocops.
14 h 40. Sur le boulevard Jacqmain, pas un chat. La
parade fait du surplace Place de Brouckère. Soudain, les
percussions marquent le rythme. Les diabolos s'envolent dans
le ciel aux nuages menaçants, déclenchant les
applaudissements. Des créatures surréalistes, sorties tout
droit d'un tableau de Jérôme Bosch, succèdent aux chants
bigarrés des mamas africaines. Les Jardins Mobiles verdissent
le gris du macadam. Les insectes biscornus font claquer leurs
mandibules au-dessus de la tête des spectateurs. Les échassiers
avancent comme en apensanteur. Et une fois de plus, la foule
apparaît en même temps que la parade. Les échafaudages sont
pris d'assaut.
15 h 10. Le premier groupe termine son parcours. Devant
l'Ancienne Belgique, des zinnekes brandissent de petits
cartons : Parlez-vous ! Ecoutez-vous ! Plus qu'un simple défilé,
la Zinneke se veut parade citoyenne. Plus loin, un char très
nature lance aussi ses slogans : Inspirez ! Expirez ! Et un
plus politique : Air libre pour la Palestine. Bientôt la Love
Factory fait son apparition avec ses anges, ses cœurs, sa
fanfare. A l'autre bout du boulevard, un groupe d'enfants,
dont certains sont encore en poussette, recueille les vivats
de la foule.
16 heures. Sur le boulevard du Midi, ceux qui n'ont pas
encore pris le départ continuent à faire la fête entre eux
: percussions, chants, danses jusqu'à la porte d'Anderlecht.
16 h 45. Les danseurs de tango argentin arrivent au bout
du parcours et retrouvent sur le boulevard Albert, comme tous
ceux qui en ont terminé. Les pelouses sont envahies, la
musique continue ça et là. Deux grands bars accueillent les
participants fourbus mais pas pressés de s'en aller.
Sur le parcours, les spectateurs se rapprochent de plus en
plus des zinnekes, écartant les barrières, s'installant sur
le macadam. Des vélos ailés rencontrent un grand succès.
Certains spectateurs, surtout parmi les plus jeunes,
commencent à fatiguer sérieusement. De trop longs temps
morts entre certains groupes cassent un peu le rythme, donnant
parfois l'impression que tout est terminé. Dommage car il
reste encore de nombreuses découvertes dont l'ultime groupe
retraçant magistralement les étapes de la vie avec ses
veuves enceintes, ses bébés roses, ses semeurs de mort et sa
fanfare d'accordéons.
18 h 15. La pluie dégringole, éparpillant une partie
des spectateurs. Un groupe de choux verts, trop heureux d'être
arrosés, reprend sans désemparer sa joyeuse ritournelle.
19 heures. Le tout dernier groupe quitte la place de
Brouckère. Sur ses talons, les voitures de police avec
gyrophare et sirène, signifient un peu brutalement que la fête
est finie. On ramasse les barrières Nadar dans la seconde qui
suit. Sur le boulevard Jacqmain, la foule a disparu. Les
derniers zinnekes n'en ont cure et terminent leur parcours
avec la même ferveur qu'ils l'ont commencé. Sous les
applaudissements de ceux qui les ont précédés et suivis par
une petite foule d'irréductibles. A la croisée du boulevard
Jacqmain, les policiers font traverser tout ce petit monde
avec bonne humeur. Cette fois, tout est terminé. Ou presque,
les zinnekes se retrouvant entre eux pour prolonger un peu la
fête.
Entre deux tours du boulevard, deux anges rouges et blancs,
main dans la main, s'éloignent comme dans un film de Chaplin.
Sur les antennes de Télé Bruxelles, un homme résume : Mieux
qu'un discours, c'est le plus beau message contre le racisme.
Tout est dit.·
MARTINE DUPREZ
© Rossel et Cie SA, Le Soir, Bruxelles, 2002
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